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Les ''Élites''

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Les génies que nous sommes

Nous avons tous et toutes faits ce rêve d’être un jour un génie. Non, pas dans le style d’Aladin mais bien dans le style d’Einstein.

La journée à l’école serait bien plus cool. La réunion de travail serait bien plus passionnante. La conversation entre amis serait bien plus palpitante. Et nous aurions une estime de nous-même bien plus haute.

Mais, malgré ce que l’inventeur de la théorie de la relativité a dit, “dieu” a quand même lancé les dés et, c’est dommage, car pour nous, il a sorti un QI assez bas. Nous voilà donc condamnés avec nos petites habilités à avancer sans pouvoir faire grande chose d’autre que ce qui nous a été donné par la nature…

Si vous croyez encore à toutes ces histoires, sachez que rien n’est plus faux.

On ne nait pas un génie, on le devient.

 

Des enfants géniaux ?

Lorsque l’on parle de génie, on pense tout de suite à Mozart, l’enfant qui compose des œuvres dès l’âge de 5 ans, qui est un musicien virtuose et à qui toutes les possibilités sont permises.

Ce qu’on oublie souvent de noter c’est que le père de Mozart, Léopold, était lui-même un très bon musicien et un excellent professeur de musique, qui adorait enseigner. C’est à dire que le jeune Wolfgang baigna dès sa naissance dans une ambiance musicale constante et avec un prof qui voulait vraiment le faire réussir.

Il est à noter que les œuvres “précoces” du jeune homme furent transcrites sur papier par son père. On peut se poser la question de savoir qui a exactement composé quoi, simplement pour séparer la légende de la vérité.

Le but n’est pas de rabaisser l’œuvre de l’immense compositeur autrichien mais bien de montrer que si, vous ou moi, étions nés dans les mêmes circonstances, nous aurions eu toutes les chances de devenir un grand musicien ou un grand compositeur. En tout cas, bien plus qu’avec le milieu au sein duquel nous avons été élevé.

La preuve ? Les propres fils de Mozart, Karl et Franz Xaver, devinrent eux aussi d’excellents musiciens. Mais, ils n’atteignirent pas le niveau de leur père, sans doute parce que ce dernier ne devait pas être un aussi bon pédagogue que son propre père, Léopold. La vie mouvementée du compositeur autrichien et la propre aura écrasante qu’il devait projeter sur ses garçons, y sont sans doute aussi pour quelque chose.

Le Mozart du golf

Prenons un autre exemple, bien actuel celui-là : Tiger Woods.

C’est l’un des plus grands golfeurs de tous les temps et sa carrière est loin d’être terminée. Il a battu de nombreux records de jeunesse et sa précocité en a étonné plus d’un. Comme Mozart en musique, il est considéré comme un prodige.

Le petit Eldrick – son vrai prénom – avait déjà un club de golf entre les mains avant de savoir marcher. Son père, Earl, était un militaire à la retraite qui avait été pendant longtemps un instructeur, c’est à dire qu’il était un prof qui aimait enseigner aux nouvelles recrues. Paradoxalement, il devint un passionné de golf sur le tard, à plus de 40 ans, peu de temps avant la naissance de Tiger. Cette passion, il n’eut qu’une envie, celle de l’insuffler, jour après jour, à son fils.

Alors qu’il n’avait que 2 ans, Tiger apparut à la télévision où il montra déjà toute l’étendue de sa dextérité et chacun déclara “quel prodige ce petit garçon !”. Effectivement, vu d’un œil extérieur, cela ressemblait à quelque chose d’inné, car il était si jeune. Mais papa Woods était déjà en train de l’entrainer et ceci, jour après jour.

Ce sont juste deux exemples, dans le domaine des sports et de la musique, milieux très prisés par les parents pour leurs possibilités  financières mais qui ne garantissent pas, Mozart et Woods l’ont amèrement appris, une vie personnelle équilibrée.

Alors, peut-être qu’en prenant un exemple hors sports et musique, on peut se faire une meilleure idée des possibilités des enfants.

Tout est possible

En Hongrie, dans les années 60, Laszlo Polgar, un modeste psychologue spécialisé dans l’éducation, émit lui aussi l’idée que le génie n’était pas inné mais bien acquis. Face aux multiples réactions négatives qu’il subit, il décida de prouver qu’il avait raison en appliquant ses idées à ses propres enfants.

C’est par une petite annonce qu’il commença sa démonstration. En effet, pour prouver qu’il avait raison, il fallait qu’il ait des enfants et donc qu’il ait une compagne. Ayant bien spécifié qu’il désirait élever ses enfants à la maison pour en faire des génies, il finit par rencontrer Klara, une jeune femme d’origine ukrainienne, qui accepta le challenge.

Ainsi, en 1969, leur premier enfant, une petite fille prénommée Susan naquit, et l’expérience débuta. Les parents se consacrèrent exclusivement à son éducation en quittant leur travail. Le psychologue avait pensé que les mathématiques seraient un bon domaine pour Susan mais, un jour, cette dernière s’intéressa à un jeu d’échecs qui se trouvait parmi ses jouets et devint apparemment complètement fascinée par l’échiquier.

Laszlo était persuadé qu’il pouvait faire de sa fille une experte dans n’importe quel domaine à condition qu’elle soit intéressée. Il aurait préféré qu’elle se passionnât pour la musique ou pour les sciences, mais les échecs ! A cette époque, le monde de l’échiquier était réservé aux hommes et se comportait de façon très machiste.

L’appartement de la famille se transforma donc en une école d’échecs et Susan commença à pratiquer plusieurs heures par jour. Entre temps, ses parents, avaient eu deux autres filles, Sofia née en 1974 et Judit, arrivée elle au foyer des Polgar en 1976. Les deux jeunes sœurs furent elles aussi “intégrées” au programme qui comportait, des plages de sport, de détente et d’éducation plus traditionnelle, puisque Laszlo ne pensait pas que l’école “normale” puisse leur apporter quelque chose d’utile.

Que sont-elles devenues ?

Si vous êtes un passionné de ce jeu vous connaissez leurs noms car Susan, Sofia et Judit se sont toutes les trois hissées sur les plus hautes marches des podiums internationaux d’échecs. Non seulement ça, mais elles semblent aussi être devenues des femmes bien dans leur peau, les pieds sur terre, ayant chacune fondé leur propre famille et possédant des intérêts divers.

Et moi dans tout ça ?

Le but de ces multiples exemples n’est pas d’encourager les parents à pousser leurs bambins à pratiquer une activité dès qu’ils peuvent tenir debout afin de leur assurer le succès. A chacun de faire ses propres choix.

Non, mon but est bien plus personnel.

Ce qui est possible pour des enfants, l’est-il aussi pour des adultes ? N’est-il pas trop tard ? Peut-on, non pas devenir des prodiges, mais changer dramatiquement ses circonstances pour avoir une vie meilleure, en s’inspirant de ces exemples ?

La première réponse qui vient à l’esprit est que non. Les enfants ont toute la vie devant eux pour recevoir l’éducation nécessaire à leur future expertise. Nous, les adultes, nous avons un emploi et des responsabilités qui nous laissent peu de temps et d’énergie pour nous consacrer à faire jaillir le génie qui est en nous.

De plus, étant personnellement un scanneur, cela complique encore les choses.

Et pourtant.

Des recherches et des exemples ont prouvé qu’une fois adulte, on pouvait quand même faire sortir le génie qui est en nous.

Une petite fille de 4 ans et 6 mois s’avance vers le milieu du court de tennis. Elle a d’ailleurs du mal à tenir sa raquette qui lui pèse un peu. Elle fronce les sourcils. Elle se place entre deux autres joueuses, des adolescentes, qui se tiennent prêtes.

Face à elles, de l’autre côté du filet, l’entraineur commence à leur envoyer des balles assez fortes qu’elles doivent retourner à tour de rôle. 10, 20, 30, 50, 100 balles sont ainsi envoyées et les 3 jeunes joueuses essayent de les frapper du mieux qu’elles le peuvent. On sent que l’on s’entraine sérieusement.

A la deux centième balle, la plus grande sur la gauche, lève la main indiquant qu’elle a besoin de souffler. Elle quitte le terrain et va s’asseoir sur le banc pour se désaltérer. A la trois cent cinquantième, c’est celle de droite qui abandonne.

Mais la plus petite, au milieu, est toujours présente. Elle manque beaucoup  de ces balles jaunes mais elle continue à essayer de les frapper. Encore et encore.

A 500 balles, le panier est vide.

Et elle en redemande.

 

Machine ou être humain ?

L’entraineur lui dit que c’est suffisant, qu’elle a fait du bon travail, mais la petite fille tape du pied, énervée. Elle en veut encore. L’entraîneur se fâche un peu et lui dit que ça suffit maintenant et lui conseille d’aller s’asseoir. La petite pleure, pas contente du tout et demande alors une dernière balle… qu’il lui accorde pour la calmer.

Cette petite fille, s’appelle Venus Williams et l’entraîneur de l’autre côté du filet n’est autre que son père, Richard. Ce dernier indiquera plus tard que, ce jour-là, il sut que Venus serait une championne. Elle avait la hargne, la pugnacité, la combativité.

Richard Williams avait raison. Venus et ensuite sa sœur Serena, devaient atteindre les sommets du tennis mondial où elles sont toujours, au moment où j’écris ces lignes. Une longévité assez rare parmi les joueuses de tennis.

Pourquoi la petite Venus avait cette combativité à 4 ans ? Et Serena également ? Est-ce que cette volonté de ne pas abandonner était dans leur gènes ?

Pour mieux comprendre, il faut savoir que Richard Williams lui-même n’avait jamais mis les pieds sur un court de tennis jusqu’à l’âge de 36 ans, c’est à dire, à peine 2 ans avant la naissance de Venus. C’est d’autant plus intéressant lorsqu’il explique la raison pour laquelle il s’y était mis.

C’est en découvrant, par hasard à la télé, combien une femme pouvait gagner en jouant au tennis, qu’il décida de mettre ses futurs enfants à ce sport. Et donc, il s’acheta sa première raquette et s’initia au sport pour pouvoir ensuite aider ses enfants.

En gros, cela veut dire qu’au moment où Venus est née, l’ambiance à la maison était déjà extrêmement tennistique. Ainsi, on pourrait aussi penser que Richard fit de ses deux filles des machines à “smasher”.

Pas du tout.

Par exemple, il les retira des tournois nationaux de tennis où elles brillaient – Venus avait alors 11 ans – parce qu’il trouvait qu’elles n’avaient pas assez de temps pour être juste des petites filles et également, pour leur épargner les blessures dues à la sur compétition.

C’est sans doute ce qui leur permet, à près de 30 ans, d’être toujours compétitives au plus haut niveau.

Qui sont les meilleurs ?

Je donne beaucoup de détails sur cet exemple parce qu’il reflète, comme dans les histoires de Tiger Woods et des sœurs Polgar dans la première partie, le même modèle. Un environnement propice à l’éclosion d’un talent, des parents supporters, motivants, un programme conçu spécifiquement pour les aider à s’épanouir dans ce domaine et, un esprit poussé vers l’accomplissement, la réussite.

Bien sûr, on me dira que les exemples cités ne représentent que ceux ou celles qui ont réussi. Qu’en est-il des histoires de tous les autres parents qui ont voulu aider leurs enfants mais qui n’ont jamais fait la une des journaux ? Cela ne veut pas dire qu’ils ne se sont pas épanouis, surtout dans les domaines en dehors du sport ou de la musique,  domaines qui sont bien moins médiatiques. D’un autre côté, il y a aussi les histoires des parents qui, peu soucieux de l’équilibre de leur progéniture, l’ont poussé trop violemment avec les conséquences que l’on peut imaginer.

Néanmoins à travers ces témoignages, gènes ou pas, inné ou pas, on peut remarquer une tendance. A chaque fois c’est à peu près le même scénario. Le premier à le noter de façon rigoureuse et scientifique fut un suédois, Anders Ericsson, qui en 1993, sortit un papier (pdf) qui allait faire beaucoup de bruit dans le monde de la recherche en psychologie.

Après de nombreuses années de tests, ce professeur, chercheur à l’Université de Floride, expliqua dans ses résultats que ceux et celles qui devenaient des experts dans leur domaine le devaient à leur travail et pas à un talent inné. Bien entendu, cela va à l’encontre de ce que nous pensons. L’idée générale que l’on se fait du succès est que ceux ou celles qui vont le plus haut sont les plus talentueux d’entre nous et donc qu’ils le doivent en priorité à des facultés naturelles exceptionnelles.

Ils ou elles sont nés comme ça, c’est tout. C’est en général ce que l’on pense.

Dans ses recherches, le professeur Ericsson ne put trouver un seul exemple d’une personne qui aurait pu atteindre les sommets de son art sans faire de réels efforts, juste portée par son talent naturel. Mais pour tout le reste, excepté pour le poids ou la taille dans certains sports, Ericsson découvrit toujours la même chose : seul le travail payait. Il put même calculer le temps qu’il fallait à tous ces champions ou virtuoses pour atteindre leur plus haut niveau.

10 ans, ou à peu près 10 000 heures de pratique.

Ce chiffre est maintenant presque devenu mythique et a souvent été repris dans la littérature sur le développement personnel, comme par exemple dans Outliers, le livre de Malcolm Gladwell, ou dans Talent is Overrated de Geoff Colvin.

L’une des expériences intéressantes réalisées par le professeur Ericsson fut avec les jeunes violonistes de l’Académie de musique de Berlin (ouest) entre 1987 et 1989. A la fin de sa recherche avec eux, il put confirmer que les meilleurs étaient ceux qui pratiquaient le plus, ceux qui répétaient le plus longtemps. Il ne put trouver un violoniste qui sans faire d’effort se trouvait parmi les premiers classés. Inversement, il ne put en trouver un qui pratiquait plus que tout le monde et qui était classé, en bas de tableau.

Une chance pour tous ?

Ainsi, il suffirait de travailler dur, de pratiquer sans relâche pour devenir un champion ou un expert dans son domaine ?

Pourquoi dans ce cas, ne sommes-nous pas des gens qui avons déjà réussi ? Nous devrions tous et toutes avoir rencontré le succès, quelque soit le sens que vous donniez à ce mot. Nous travaillons tous dur, pendant de longues heures et je suis certain que dans votre entourage vous connaissez de nombreuses personnes qui travaillent d’arrache-pied. Pourtant, nous ne sommes ni vraiment riches, ni reconnus et nous continuons souvent à être employés dans des professions qui ne nous apportent pas grande satisfaction.

Alors, qu’est-ce qui fait la différence entre les “champions” et les autres ?

Anders Ericsson pense avoir trouvé.

Dans ses recherches, il a noté que tous ceux et toutes celles qui étaient les meilleurs dans leur domaine, apprenaient et travaillaient d’une manière différente des “moins performants”.

Et le plus intéressant, c’est que cette méthode, il l’a retrouvé pratiquement appliquée à l’identique de champion en champion, quelque soit le domaine dans lequel il excellait.

Cette pratique, qu’il appelle pratique délibérée, il l’a décomposé en 5 éléments et c’est ce que l’on détaillera dans la troisième partie de cette série.

Un indice ?

C’est exactement ce qu’a accompli – intuitivement – Richard Williams avec ses filles, Venus et Serena.

 

La musique de Puccini remplit les oreilles et les cœurs.

A cet instant, par télévision interposée, une grande partie du monde entier a les yeux fixés sur cette frêle silhouette qui glisse sur la patinoire. La Japonaise Shizuka Arakawa a une chance unique de décrocher la médaille d’or des Jeux Olympiques, car la favorite – une Américaine – est tombée par deux fois.

Unique, car à 24 ans, elle est considérée comme une “grand-mère” dans le monde du patinage artistique. Unique, parce qu’à plusieurs fois, elle avait déjà pensé à abandonner, à prendre sa retraite sportive.

Mais pour décrocher l’or, elle ne doit pas chuter pendant les quatre longues minutes de sa prestation et surtout, elle doit réussir sa figure favorite, un “Ina Bauer” avec tête renversée, un mouvement qu’elle est la seule à réaliser.

Shizuka, au fil des minutes, se contente d’assurer en réduisant la difficulté de son programme. Là où d’habitude elle réalise des triples, elle se contente de doubles. Là où d’habitude elle accélère, elle se montre beaucoup plus prudente.

Mais, elle le sait, les juges ne lui pardonneront pas si elle ne leur offre pas un “Ina Bauer” parfait.

Et à presque 3 minutes dans son programme, le moment de vérité arrive.

 

Le geste “naturel”

Un “Ina Bauer” est une figure où les patineurs décalent leur patins et les mettent en parallèle pour se laisser glisser – généralement en écartant les bras – dans un virage assez large, donnant un aspect majestueux à leur mouvement. Shizuka Irakawa elle, y ajoute une difficulté supplémentaire en s’arc-boutant en arrière, à la limite du déséquilibre.

Les trémolos des violons de Puccini continuent à remplir la patinoire, dans les tribunes on retient son souffle, et la patineuse japonaise écarte enfin ses patins et se laisse glisser en arrière. Elle se penche de plus en plus, sa tête est pratiquement à l’envers. Elle continue, encore et encore, tout en lançant ses bras vers le sol, paraissant s’abandonner au rythme de la musique.

Tout le Japon est silencieux devant son écran de télé.

Va-t-elle réussir à se redresser ? Ne va-t-elle pas se déséquilibrer et tomber ? Pendant quelques instants, qui semblent une éternité, elle reste ainsi avant d’amorcer la sortie de sa figure fétiche. Le monde entier – et sutout le pays du soleil levant – retient son souffle.

Aussi élégamment qu’elle s’était penchée en arrière, la Japonaise remonte son buste et termine son “Ina bauer” sous un tonnerre d’applaudissements qui fait vibrer toute la patinoire.

Elle le sait maintenant, elle a pratiquement gagné. La seule qui pourrait encore la battre, une Russe, chutera plus tard, sans doute déjà mentalement vaincue.

Shizuka Shirakawa remporte ainsi la médaille d’or des Jeux Olympiques de Turin.

Et elle a vécu pour ce moment, pendant 18 longues années d’entrainement.

La pratique délibérée

Quels enseignements peut-on tirer de la prestation de la Japonaise ?

D’abord, il faut être honnête. Elle n’était pas favorite au début de la compétition. Elle a eu de la chance car ses deux principales rivales ont chuté – à cause de la pression ? – mais cette chance fait partie du succès et j’y reviendrai plus tard.

Ensuite, elle a su être présente là où on l’attendait, sur son fameux “Ina Bauer” si unique, sa marque de fabrique. Et si elle a pu le réaliser sans flancher, c’est grâce à la pratique délibérée à laquelle elle s’est soumise, tout au long de ses années d’entrainement.

La pratique délibérée, c’est donc le nom qu’Anders Ericsson, le chercheur de l’université de Floride, a donné à un “entrainement” qui comprend 5 conditions découvertes après avoir analysé, pendant des années, des grands champions et des experts dans tous les domaines.

Cette pratique, comme le précise le professeur Ericsson, n’est pas réservé aux Shizuka Irakawa, Tiger Woods, Venus Williams et autres enfants qui deviennent des champions. Elle n’est pas non plus réservée au sport.

Il est possible de l’utiliser à tout âge et dans n’importe quel domaine pour améliorer sa propre performance.

Un “entrainement” sur mesure

Les trois premières conditions d’une pratique délibérée sont très simples.

L’entrainement doit être concentré exclusivement sur l’amélioration des résultats (1), il doit être facilement répétable (2) et on doit pouvoir recevoir un feedback immédiat (3).

Dans le détail, cela donne quoi ?

Ceux et celles qui veulent augmenter leurs résultats, se perfectionner, être meilleurs vendeurs, professeurs, comptables, négociateurs, etc, doivent donc se préparer avec un entrainement spécifique, encadré par un mentor, un coach ou un entraineur – tout du moins au début. Et cet entrainement, encore une fois, ne doit avoir qu’un seul but : améliorer ses performances.

Alors, il ne suffit pas de recommencer chaque jour vaguement la même chose. Sinon, c’est comme un joueur de golf qui pratiquerait son swing tous les matins, sans analyser pourquoi parfois il le réussit très bien et pourquoi – souvent – sa balle finit dans les bosquets. Ainsi, il ne progressera plus du tout après avoir atteint un certain palier. Au-delà, il stagnera car il n’aura aucune information sur ce qui ne va pas dans son swing.

Dans notre travail, c’est la même chose. On débute en se lançant, motivé, on apprend toutes les bases de son boulot et ensuite on atteint un niveau où l’on se sent à l’aise et où l’on pourra rester pendant des années, sauf si un chef de service nous mute et nous oblige à nous former à nouveau. Plus le temps passe et plus on se sent confortable dans sa routine. On est, comme on dit souvent, dans sa zone de confort, dans son cocon, et on ne veut pas en sortir.

Là, il n’y a plus de progrès.

Par contre, si le golfeur suit les conseils d’un entraineur expérimenté, ce dernier saura lui expliquer quels sont les détails qu’il doit modifier, par exemple, dans la position de ses mains sur le club afin que son swing soit plus sûr, plus efficace. Il préparera des exercices très précis et sur mesure afin que le golfeur puisse améliorer cette position des mains.

En entreprise, c’est identique. Au lieu de prendre le téléphone chaque matin pour appeler ses prospects, le commercial cherchera avec un coach à établir quels sont ses points faibles et ce dernier proposera des exercices sur la façon de poser sa voix, les phrases prononcées ou les mots utilisés.

La répétition et le feedback

La deuxième et la troisième condition de la pratique délibérée sont donc que chaque exercice doit être facilement répétable et que le feedback doit pouvoir être immédiat afin de pouvoir rapidement corriger les erreurs.

Prenez l’exemple des médecins. Le professeur Ericsson, dans ses recherches, a noté que pour la plupart d’entre eux, plus les années passaient, moins leurs diagnostics étaient sûrs. Les effets de la faculté de médecine s’éloignant, les docteurs, livrés à eux-mêmes, n’ont aucun moyen de savoir immédiatement si leur diagnostic est juste. Il n’y a pas de feedback instantané. Il leur faudra un certain temps – analyses diverses, traitements, apparition ou non d’une maladie – pour être certains de leur choix. D’où l’importance extrême pour eux de constamment se documenter et de mettre à jour leurs connaissances.

Mais ce n’est pas le cas des chirurgiens.

Ainsi, pour un médecin, la répétition est sans doute difficile voire impossible car chaque patient est unique et vient le voir pour des raisons différentes, tandis qu’un chirurgien lui, se spécialise dans un type précis d’opérations. Ce dernier va ensuite répéter cette même intervention chirurgicale en ayant, bien sûr, à chaque fois un feedback immédiat : l’état du patient.

Dans l’exemple du golfeur, sur les conseils de son coach, il va travailler une seule partie de son swing en se concentrant sur sa prise en main. ll va refaire ce mouvement des dizaines et des dizaines de fois – voire plus dans le cas de Tiger Woods – en ayant un feedback immédiat, la réussite ou non du mouvement.

C’est la même chose pour Shizuka Arakawa. Son fameux “Ina Bauer”, pour qu’il apparaisse si naturel dans la finale Olympique de Turin, elle l’aura répété combien de fois au juste ? Un journaliste américain, Jeffrey Colvin, a estimé, en analysant son programme d’entrainement au fil des ans, qu’elle avait dû tomber environ 20 000 fois avant de parfaitement le réussir.

20 000 fois.

Le derrière sur la glace bien dure.

Et bien froide.

Évidemment, là, le feedback est instantané.

Dans l’infiniment petit

Les années de recherche du professeur Ericsson lui ont donc permis de déterminer quelles étaient, selon lui, les 5 conditions sous lesquelles les experts ou les génies développaient leur talent. Nous venons déjà d’en détailler trois d’entre elles.

Ces études, très sérieuses et vérifiées à maintes reprises, ont été encore récemment confirmées, mais cette fois-ci, directement dans le cerveau.

Une preuve visible ?

Oui.

Une modeste substance de couleur blanche, la myéline, est en train de provoquer de grands bouleversements dans la compréhension de notre interaction avec notre cerveau.

Alors, dans la quatrième partie de cette série, nous en saurons plus sur cette mystérieuse myéline et nous verrons pourquoi les trois premières conditions d’une pratique délibérée y sont directement liées.

Pourquoi le Brésil est-il si fort en football ?

Pourquoi est-il le leader en nombre de coupes du monde gagnées ?

Pourquoi, chaque année, des centaines de jeunes joueurs brésiliens sont transférés dans des clubs européens ?

Pourquoi le pays de la samba produit-il autant de stars du ballon rond ?

Pourquoi ce pays et pas un autre ?

L’explication la plus courante est que le Brésil bénéficie d’un climat doux, d’un peuple issu d’un “melting-pot” ethnique et culturel, passionné de foot, où l’on trouve 10% de pauvreté extrême, ce qui crée parmi les jeunes brésiliens une volonté farouche de s’en sortir par le ballon rond.

Il est clair que ces facteurs jouent un rôle important mais lorsque l’on y regarde de plus près, ce seul raisonnement ne tient pas.

 

Auriverde

D’abord, il faut savoir que le Brésil ne domine pas le football depuis toujours. Il n’a gagné sa première coupe du monde qu’à la fin des années 50, pourtant, avant, ils avaient déjà un climat doux. Ensuite, des pays ensoleillés, avec une population jeune, adorant le foot et ayant vraiment envie de se sortir de la pauvreté, il y en a de nombreux.

Alors qu’est-ce qui fait la différence brésilienne ?

Si vous visitez la patrie de Pelé, Zico, Sócrates, Romário, Ronaldo, Ronaldinho, Kaká et Robinho – j’arrête la liste ici sinon il me faudrait tout un paragraphe ! – et que vous pénétriez dans la “vraie” vie brésilienne, en dehors des circuits touristiques, vous seriez surpris de découvrir un autre sport, proche du foot, qui est pratiqué dans toutes les écoles et également par les adultes.

Non, pas le beach football qui fait juste partie de la traditionnelle carte postale de Copacabana.

Ce sport, c’est le “futebol de salão” ou futsal, ou encore en français, le football en salle.

Bon, et alors vous allez me dire, quel rapport avec la myéline ?

Les Brésiliens dès leur plus jeune âge, pratiquent le futsal à l’école. Ce sport, c’est la même chose que le football mais en plus petit et en extrêmement plus rapide. Avec 5 joueurs par équipe s’affrontant sur un sol en dur – de la taille d’un terrain de handball – et une petite balle plus lourde que le traditionnel ballon de foot, on peut facilement imaginer ce qui se produit.

Un jeu vif et très technique.

Et là, soudain, on comprend mieux la virtuosité et la vélocité pour lesquelles sont célèbres les joueurs brésiliens. Voici une démonstration avec Robinho.

Le futsal décolla réellement au Brésil dans les années 40, au moment où les règles du jeu furent finalisées et, en 1958, l’équipe nationale remporta sa première coupe du monde, enchantant la planète footballistique par son jeu dynamique et inspiré.

Pour prendre un autre exemple, Ronaldinho, lui, commença à pratiquer le futebol de salão dès l’âge de 11 ans à raison de 2 heures par jour, en plus du football “normal”. Il faut savoir qu’il existe même là-bas des sections sports-études consacrées au futsal. On compte, dans tout le pays, environ 4000 clubs et plus de 300 000 joueurs.

Un beau creuset.

Ainsi, autant le football est physique, autant le futsal est technique. Pendant un match de football en salle, les joueurs touchent la balle 6 fois plus que dans le jeu normal, leur donnant beaucoup plus d’opportunités, de pratiquer, de corriger et d’améliorer leur technique.

Et ça, notre cerveau adore.

Et quand il adore, il produit de la myéline.

Plongée dans le microscope

La myéline est une modeste substance grasse, de couleur blanche, qui compose environ 50% de notre cerveau. Pourtant, on en parle rarement.

Ceux qui font la une des journaux scientifiques sont en général les neurones et leurs synapses. On a tous cette image des influx nerveux qui circulent dans notre matière grise et qui font de nous des être pensants et agissants. Depuis le début des années 2000, cette image, dans les microscopes, est en train de changer.

En effet, la myéline qui protège et enrobe les fibres nerveuses comme le fait une gaine de plastique autour d’un fil électrique, n’était étudiée jusqu’à maintenant que dans le cas de maladies comme la sclérose en plaques où malheureusement, les couches de myéline disparaissent. La conséquence est que les influx nerveux perdent de leur énergie, l’information est mal ou plus du tout transmise à travers notre système nerveux, avec les conséquences que l’on sait pour le malade.

Mais récemment, les chercheurs, grâce à de nouvelles technologies, ont pu enfin étudier en détail le rôle, plus important qu’on ne le croyait, de la myéline.

Pour faire simple disons que, plus la “gaine” – composée de multiples couches de myéline – est épaisse autour de la fibre nerveuse, plus l’influx nerveux ira vite, car protégé comme dans un câble électrique ou un fil de téléphone.

Un chiffre ? La vitesse de propagation dans un axone – le nom scientifique de cette fibre nerveuse – sans myéline est d’environ 50 cm/seconde. Un axone enrobé de nombreuses couches de myéline peut lui produire une vitesse de 120m/seconde. Oui, vous avez bien lu, cela correspond à une vitesse de 400km/heure !

C’est comme la différence entre un ruisselet et une cascade.

Dans notre monde cela se traduit par la rapidité d’un revers au tennis, par un mouvement idéal de la reine sur un échiquier ou par la réponse parfaite à une question piège dans un entretien.

En l’état des connaissances scientifiques actuelles, la myéline jouerait donc un rôle primordial dans nos savoir-faire. Plus nous accumulons des couches de myéline et plus l’influx nerveux passe vite.

Alors, bien sûr, comme moi vous voulez tous et toutes savoir comment on produit de la myéline ?

La réponse est simple : en jouant au futebol de salão.

Mode d’emploi myélinistique

Enfin bon, si vous voulez devenir bon en foot, la pratique du futsal est le meilleur moyen de répéter encore et encore les gestes, qui à force, vont augmenter la couche de myéline autour des axones reliant vos neurones de footballeur en herbe.

Si vous voulez améliorer votre tennis – quelque soit votre niveau – pratiquez, par des exercices précis, votre service, votre retour de volley ou votre revers. Vous allez “emmyéliniser” vos axones tennistiques et rapidement vous prendre pour Roger Federer. J’exagère à peine.

Si vous voulez pouvoir mieux parler en public, c’est la même chose. Vos fibres nerveuses dédiées à la pratique du discours, recouvertes de multiples couches de myéline après une pratique assidue, vous permettront d’assurer lors de votre prochaine présentation.

La myéline ne s’accumule que sur les fibres nerveuses utilisées. Plus on les utilise, plus il y a de couches et plus on s’améliore. C’est pour cela que faire des erreurs est important. Elles nous permettent de recommencer pour nous corriger, nous améliorer et ajouter des couches de… vous-savez-quoi !

Ainsi, votre art, quel qu’il soit, devient plus aisé et plus naturel. Les autres commencent à vous regarder avec envie. Ils finissent par se dire que vous êtes simplement doué. Ce qu’ils n’ont pas vu, c’est tout le travail d’entrainement spécifique que vous avez effectué en amont.

Et le plus intéressant dans tout ça, c’est que dans des circonstances normales, c’est à dire hors maladie ou grand âge, on perd très peu de cette myéline. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est aussi difficile de se débarrasser de mauvaises habitudes. La myéline ne juge pas ce que vous faites mais se contente d’accumuler les couches là où vous vous activez le plus.

Si on insiste encore et encore pour se dire que l’on ne peut pas réussir un challenge particulier, la myéline sera là pour garantir que cette idée nous revienne le plus rapidement possible.

C’est pour ça que le monde du développement personnel et de la PNL sont dans le vrai. En prenant, par exemple, artificiellement, dans sa tête, une attitude de gagnant, on provoque des changements dans son cerveau.

Bon, avant de vous emballer, il faut savoir que cela prend beaucoup de temps. A chaque fois que l’on tente de changer une habitude, on sait combien c’est difficile car on retombe souvent très vite. C’est tout simplement parce que les réseaux actuels – ceux que l’on veut changer – sont myélinisés à outrance (les cascades), tandis qu’on est en train d’essayer de créer de nouvelles routes dans notre système neuronal, qui elles sont encore à nu, et donc beaucoup plus lentes (les ruisselets).

Une test futsalien

Si l’on résume nos découvertes sur la production de couches de myéline, on dirait qu’il faut pratiquer des exercices précis, faire beaucoup d’erreurs, les corriger et recommencer, encore et encore.

C’est exactement ce que demande la pratique délibérée dont nous avons vu les 3 premières conditions dans l’article précédent. Des conditions qui se retrouvent parfaitement, pour le plus grand bonheur des supporters brésiliens, dans le futsal.

Alors, est-ce qu’il suffirait d’ajouter, à son entrainement régulier, la pratique du football en salle pour avoir un avantage supplémentaire sur tous les autres en foot ?

C’est ce qu’a pensé Simon Clifford, un Anglais de 27 ans, lorsqu’en 1997 il effectua un voyage au Brésil où il découvrit le futebol de salão. Bien décidé à appliquer les mêmes méthodes pour les enfants de sa région, il quitta son emploi de professeur des écoles à Leeds et se consacra entièrement au développement d’un système qu’il baptisa Brazilian Soccer School ou École de football brésilien.

Les résultats ne se firent pas attendre et quatre ans après, son équipe des moins de 14 ans battit l’équipe nationale d’Écosse et ensuite celle d’Irlande. Depuis, des milliers de Brazilian Soccer Schools ont ouvert dans le monde en suivant le même modèle. Enfin, en 2006, à l’âge de 18 ans, Micah Richards devint le plus jeune défenseur jamais appelé en équipe nationale d’Angleterre.

Lui aussi était passé par le futsal version Clifford.

Pratiquons, pratiquons !

Suffit-il de myéliniser ses axones à outrance pour devenir un expert ?

La recherche scientifique semble montrer que oui. Encore une fois, ces couches de myéline prennent du temps à se créer et correspondent tout simplement à ce qu’on appelle, entre humains, “l’expérience”.

Une expérience qui n’arrive pas du jour au lendemain mais qui, comme l’expliquait Anders Ericsson, le chercheur de l’Université de Floride, se développe à travers la pratique délibérée dont nous avons vu les trois premières conditions :

  1. Amélioration des résultats par des exercices précis (avec ou sans  coach)
  2. Ces exercices peuvent être facilement répétables
  3. Le feedback sur ces exercices est immédiat

Et les deux dernières ?

Elles sont tout aussi importantes mais, à ce moment de notre voyage dans le monde de l’expertise et des génies – que nous sommes ! – vous avez sans doute déjà une idée, non ?

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Non ces parceque quand Carey écrit cela peut être long et pénible aussi,ce n'est rien contre toi et ce que tu a écrit ou copier coller

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Les génies que nous sommes

Fous avons tous et toutes faits ce rêve d’être un jour un génie. Non, pas dans le style d’Aladin mais bien dans le style d’Einstein.

La journée à l’école serait bien plus cool. La réunion de travail serait bien plus passionnante. La conversation entre amis serait bien plus palpitante. Et nous aurions une estime de nous-même bien plus haute.

Mais, malgré ce que l’inventeur de la théorie de la relativité a dit, “dieu” a quand même lancé les dés et, c’est dommage, car pour nous, il a sorti un QI assez bas. Nous voilà donc condamnés avec nos petites habilités à avancer sans pouvoir faire grande chose d’autre que ce qui nous a été donné par la nature…

Si vous croyez encore à toutes ces histoires, sachez que rien n’est plus faux.

On ne nait pas un génie, on le devient.

Des enfants géniaux ?

Lorsque l’on parle de génie, on pense tout de suite à Mozart, l’enfant qui compose des œuvres dès l’âge de 5 ans, qui est un musicien virtuose et à qui toutes les possibilités sont permises.

Ce qu’on oublie souvent de noter c’est que le père de Mozart, Léopold, était lui-même un très bon musicien et un excellent professeur de musique, qui adorait enseigner. C’est à dire que le jeune Wolfgang baigna dès sa naissance dans une ambiance musicale constante et avec un prof qui voulait vraiment le faire réussir.

Il est à noter que les œuvres “précoces” du jeune homme furent transcrites sur papier par son père. On peut se poser la question de savoir qui a exactement composé quoi, simplement pour séparer la légende de la vérité.

Le but n’est pas de rabaisser l’œuvre de l’immense compositeur autrichien mais bien de montrer que si, vous ou moi, étions nés dans les mêmes circonstances, nous aurions eu toutes les chances de devenir un grand musicien ou un grand compositeur. En tout cas, bien plus qu’avec le milieu au sein duquel nous avons été élevé.

La preuve ? Les propres fils de Mozart, Karl et Franz Xaver, devinrent eux aussi d’excellents musiciens. Mais, ils n’atteignirent pas le niveau de leur père, sans doute parce que ce dernier ne devait pas être un aussi bon pédagogue que son propre père, Léopold. La vie mouvementée du compositeur autrichien et la propre aura écrasante qu’il devait projeter sur ses garçons, y sont sans doute aussi pour quelque chose. Le Mozart du golf

Prenons un autre exemple, bien actuel celui-là : Tiger Woods.

C’est l’un des plus grands golfeurs de tous les temps et sa carrière est loin d’être terminée. Il a battu de nombreux records de jeunesse et sa précocité en a étonné plus d’un. Comme Mozart en musique, il est considéré comme un prodige.

Le petit Eldrick – son vrai prénom – avait déjà un club de golf entre les mains avant de savoir marcher. Son père, Earl, était un militaire à la retraite qui avait été pendant longtemps un instructeur, c’est à dire qu’il était un prof qui aimait enseigner aux nouvelles recrues. Paradoxalement, il devint un passionné de golf sur le tard, à plus de 40 ans, peu de temps avant la naissance de Tiger. Cette passion, il n’eut qu’une envie, celle de l’insuffler, jour après jour, à son fils.

Alors qu’il n’avait que 2 ans, Tiger apparut à la télévision où il montra déjà toute l’étendue de sa dextérité et chacun déclara “quel prodige ce petit garçon !”. Effectivement, vu d’un œil extérieur, cela ressemblait à quelque chose d’inné, car il était si jeune. Mais papa Woods était déjà en train de l’entrainer et ceci, jour après jour.

Ce sont juste deux exemples, dans le domaine des sports et de la musique, milieux très prisés par les parents pour leurs possibilités financières mais qui ne garantissent pas, Mozart et Woods l’ont amèrement appris, une vie personnelle équilibrée.

Alors, peut-être qu’en prenant un exemple hors sports et musique, on peut se faire une meilleure idée des possibilités des enfants. Tout est possible

En Hongrie, dans les années 60, Laszlo Polgar, un modeste psychologue spécialisé dans l’éducation, émit lui aussi l’idée que le génie n’était pas inné mais bien acquis. Face aux multiples réactions négatives qu’il subit, il décida de prouver qu’il avait raison en appliquant ses idées à ses propres enfants.

C’est par une petite annonce qu’il commença sa démonstration. En effet, pour prouver qu’il avait raison, il fallait qu’il ait des enfants et donc qu’il ait une compagne. Ayant bien spécifié qu’il désirait élever ses enfants à la maison pour en faire des génies, il finit par rencontrer Klara, une jeune femme d’origine ukrainienne, qui accepta le challenge.

Ainsi, en 1969, leur premier enfant, une petite fille prénommée Susan naquit, et l’expérience débuta. Les parents se consacrèrent exclusivement à son éducation en quittant leur travail. Le psychologue avait pensé que les mathématiques seraient un bon domaine pour Susan mais, un jour, cette dernière s’intéressa à un jeu d’échecs qui se trouvait parmi ses jouets et devint apparemment complètement fascinée par l’échiquier.

Laszlo était persuadé qu’il pouvait faire de sa fille une experte dans n’importe quel domaine à condition qu’elle soit intéressée. Il aurait préféré qu’elle se passionnât pour la musique ou pour les sciences, mais les échecs ! A cette époque, le monde de l’échiquier était réservé aux hommes et se comportait de façon très machiste.

L’appartement de la famille se transforma donc en une école d’échecs et Susan commença à pratiquer plusieurs heures par jour. Entre temps, ses parents, avaient eu deux autres filles, Sofia née en 1974 et Judit, arrivée elle au foyer des Polgar en 1976. Les deux jeunes sœurs furent elles aussi “intégrées” au programme qui comportait, des plages de sport, de détente et d’éducation plus traditionnelle, puisque Laszlo ne pensait pas que l’école “normale” puisse leur apporter quelque chose d’utile.

Que sont-elles devenues ?

Si vous êtes un passionné de ce jeu vous connaissez leurs noms car Susan, Sofia et Judit se sont toutes les trois hissées sur les plus hautes marches des podiums internationaux d’échecs. Non seulement ça, mais elles semblent aussi être devenues des femmes bien dans leur peau, les pieds sur terre, ayant chacune fondé leur propre famille et possédant des intérêts divers. Et moi dans tout ça ?

Le but de ces multiples exemples n’est pas d’encourager les parents à pousser leurs bambins à pratiquer une activité dès qu’ils peuvent tenir debout afin de leur assurer le succès. A chacun de faire ses propres choix.

Non, mon but est bien plus personnel.

Ce qui est possible pour des enfants, l’est-il aussi pour des adultes ? N’est-il pas trop tard ? Peut-on, non pas devenir des prodiges, mais changer dramatiquement ses circonstances pour avoir une vie meilleure, en s’inspirant de ces exemples ?

La première réponse qui vient à l’esprit est que non. Les enfants ont toute la vie devant eux pour recevoir l’éducation nécessaire à leur future expertise. Nous, les adultes, nous avons un emploi et des responsabilités qui nous laissent peu de temps et d’énergie pour nous consacrer à faire jaillir le génie qui est en nous.

De plus, étant personnellement un scanneur, cela complique encore les choses.

Et pourtant.

Des recherches et des exemples ont prouvé qu’une fois adulte, on pouvait quand même faire sortir le génie qui est en nous.

Une petite fille de 4 ans et 6 mois s’avance vers le milieu du court de tennis. Elle a d’ailleurs du mal à tenir sa raquette qui lui pèse un peu. Elle fronce les sourcils. Elle se place entre deux autres joueuses, des adolescentes, qui se tiennent prêtes.

Face à elles, de l’autre côté du filet, l’entraineur commence à leur envoyer des balles assez fortes qu’elles doivent retourner à tour de rôle. 10, 20, 30, 50, 100 balles sont ainsi envoyées et les 3 jeunes joueuses essayent de les frapper du mieux qu’elles le peuvent. On sent que l’on s’entraine sérieusement.

A la deux centième balle, la plus grande sur la gauche, lève la main indiquant qu’elle a besoin de souffler. Elle quitte le terrain et va s’asseoir sur le banc pour se désaltérer. A la trois cent cinquantième, c’est celle de droite qui abandonne.

Mais la plus petite, au milieu, est toujours présente. Elle manque beaucoup de ces balles jaunes mais elle continue à essayer de les frapper. Encore et encore.

A 500 balles, le panier est vide.

Et elle en redemande.

Machine ou être humain ?

L’entraineur lui dit que c’est suffisant, qu’elle a fait du bon travail, mais la petite fille tape du pied, énervée. Elle en veut encore. L’entraîneur se fâche un peu et lui dit que ça suffit maintenant et lui conseille d’aller s’asseoir. La petite pleure, pas contente du tout et demande alors une dernière balle… qu’il lui accorde pour la calmer.

Cette petite fille, s’appelle Venus Williams et l’entraîneur de l’autre côté du filet n’est autre que son père, Richard. Ce dernier indiquera plus tard que, ce jour-là, il sut que Venus serait une championne. Elle avait la hargne, la pugnacité, la combativité.

Richard Williams avait raison. Venus et ensuite sa sœur Serena, devaient atteindre les sommets du tennis mondial où elles sont toujours, au moment où j’écris ces lignes. Une longévité assez rare parmi les joueuses de tennis.

Pourquoi la petite Venus avait cette combativité à 4 ans ? Et Serena également ? Est-ce que cette volonté de ne pas abandonner était dans leur gènes ?

Pour mieux comprendre, il faut savoir que Richard Williams lui-même n’avait jamais mis les pieds sur un court de tennis jusqu’à l’âge de 36 ans, c’est à dire, à peine 2 ans avant la naissance de Venus. C’est d’autant plus intéressant lorsqu’il explique la raison pour laquelle il s’y était mis.

C’est en découvrant, par hasard à la télé, combien une femme pouvait gagner en jouant au tennis, qu’il décida de mettre ses futurs enfants à ce sport. Et donc, il s’acheta sa première raquette et s’initia au sport pour pouvoir ensuite aider ses enfants.

En gros, cela veut dire qu’au moment où Venus est née, l’ambiance à la maison était déjà extrêmement tennistique. Ainsi, on pourrait aussi penser que Richard fit de ses deux filles des machines à “smasher”.

Pas du tout.

Par exemple, il les retira des tournois nationaux de tennis où elles brillaient – Venus avait alors 11 ans – parce qu’il trouvait qu’elles n’avaient pas assez de temps pour être juste des petites filles et également, pour leur épargner les blessures dues à la sur compétition.

C’est sans doute ce qui leur permet, à près de 30 ans, d’être toujours compétitives au plus haut niveau. Qui sont les meilleurs ?

Je donne beaucoup de détails sur cet exemple parce qu’il reflète, comme dans les histoires de Tiger Woods et des sœurs Polgar dans la première partie, le même modèle. Un environnement propice à l’éclosion d’un talent, des parents supporters, motivants, un programme conçu spécifiquement pour les aider à s’épanouir dans ce domaine et, un esprit poussé vers l’accomplissement, la réussite.

Bien sûr, on me dira que les exemples cités ne représentent que ceux ou celles qui ont réussi. Qu’en est-il des histoires de tous les autres parents qui ont voulu aider leurs enfants mais qui n’ont jamais fait la une des journaux ? Cela ne veut pas dire qu’ils ne se sont pas épanouis, surtout dans les domaines en dehors du sport ou de la musique, domaines qui sont bien moins médiatiques. D’un autre côté, il y a aussi les histoires des parents qui, peu soucieux de l’équilibre de leur progéniture, l’ont poussé trop violemment avec les conséquences que l’on peut imaginer.

Néanmoins à travers ces témoignages, gènes ou pas, inné ou pas, on peut remarquer une tendance. A chaque fois c’est à peu près le même scénario. Le premier à le noter de façon rigoureuse et scientifique fut un suédois, Anders Ericsson, qui en 1993, sortit un papier (pdf) qui allait faire beaucoup de bruit dans le monde de la recherche en psychologie.

Après de nombreuses années de tests, ce professeur, chercheur à l’Université de Floride, expliqua dans ses résultats que ceux et celles qui devenaient des experts dans leur domaine le devaient à leur travail et pas à un talent inné. Bien entendu, cela va à l’encontre de ce que nous pensons. L’idée générale que l’on se fait du succès est que ceux ou celles qui vont le plus haut sont les plus talentueux d’entre nous et donc qu’ils le doivent en priorité à des facultés naturelles exceptionnelles.

Ils ou elles sont nés comme ça, c’est tout. C’est en général ce que l’on pense.

Dans ses recherches, le professeur Ericsson ne put trouver un seul exemple d’une personne qui aurait pu atteindre les sommets de son art sans faire de réels efforts, juste portée par son talent naturel. Mais pour tout le reste, excepté pour le poids ou la taille dans certains sports, Ericsson découvrit toujours la même chose : seul le travail payait. Il put même calculer le temps qu’il fallait à tous ces champions ou virtuoses pour atteindre leur plus haut niveau.

10 ans, ou à peu près 10 000 heures de pratique.

Ce chiffre est maintenant presque devenu mythique et a souvent été repris dans la littérature sur le développement personnel, comme par exemple dans Outliers, le livre de Malcolm Gladwell, ou dans Talent is Overrated de Geoff Colvin.

L’une des expériences intéressantes réalisées par le professeur Ericsson fut avec les jeunes violonistes de l’Académie de musique de Berlin (ouest) entre 1987 et 1989. A la fin de sa recherche avec eux, il put confirmer que les meilleurs étaient ceux qui pratiquaient le plus, ceux qui répétaient le plus longtemps. Il ne put trouver un violoniste qui sans faire d’effort se trouvait parmi les premiers classés. Inversement, il ne put en trouver un qui pratiquait plus que tout le monde et qui était classé, en bas de tableau. Une chance pour tous ?

Ainsi, il suffirait de travailler dur, de pratiquer sans relâche pour devenir un champion ou un expert dans son domaine ?

Pourquoi dans ce cas, ne sommes-nous pas des gens qui avons déjà réussi ? Nous devrions tous et toutes avoir rencontré le succès, quelque soit le sens que vous donniez à ce mot. Nous travaillons tous dur, pendant de longues heures et je suis certain que dans votre entourage vous connaissez de nombreuses personnes qui travaillent d’arrache-pied. Pourtant, nous ne sommes ni vraiment riches, ni reconnus et nous continuons souvent à être employés dans des professions qui ne nous apportent pas grande satisfaction.

Alors, qu’est-ce qui fait la différence entre les “champions” et les autres ?

Anders Ericsson pense avoir trouvé.

Dans ses recherches, il a noté que tous ceux et toutes celles qui étaient les meilleurs dans leur domaine, apprenaient et travaillaient d’une manière différente des “moins performants”.

Et le plus intéressant, c’est que cette méthode, il l’a retrouvé pratiquement appliquée à l’identique de champion en champion, quelque soit le domaine dans lequel il excellait.

Cette pratique, qu’il appelle pratique délibérée, il l’a décomposé en 5 éléments et c’est ce que l’on détaillera dans la troisième partie de cette série.

Un indice ?

C’est exactement ce qu’a accompli – intuitivement – Richard Williams avec ses filles, Venus et Serena.

 

La musique de Puccini remplit les oreilles et les cœurs.

A cet instant, par télévision interposée, une grande partie du monde entier a les yeux fixés sur cette frêle silhouette qui glisse sur la patinoire. La Japonaise Shizuka Arakawa a une chance unique de décrocher la médaille d’or des Jeux Olympiques, car la favorite – une Américaine – est tombée par deux fois.

Unique, car à 24 ans, elle est considérée comme une “grand-mère” dans le monde du patinage artistique. Unique, parce qu’à plusieurs fois, elle avait déjà pensé à abandonner, à prendre sa retraite sportive.

Mais pour décrocher l’or, elle ne doit pas chuter pendant les quatre longues minutes de sa prestation et surtout, elle doit réussir sa figure favorite, un “Ina Bauer” avec tête renversée, un mouvement qu’elle est la seule à réaliser.

Shizuka, au fil des minutes, se contente d’assurer en réduisant la difficulté de son programme. Là où d’habitude elle réalise des triples, elle se contente de doubles. Là où d’habitude elle accélère, elle se montre beaucoup plus prudente.

Mais, elle le sait, les juges ne lui pardonneront pas si elle ne leur offre pas un “Ina Bauer” parfait.

Et à presque 3 minutes dans son programme, le moment de vérité arrive.

Le geste “naturel”

Un “Ina Bauer” est une figure où les patineurs décalent leur patins et les mettent en parallèle pour se laisser glisser – généralement en écartant les bras – dans un virage assez large, donnant un aspect majestueux à leur mouvement. Shizuka Irakawa elle, y ajoute une difficulté supplémentaire en s’arc-boutant en arrière, à la limite du déséquilibre.

Les trémolos des violons de Puccini continuent à remplir la patinoire, dans les tribunes on retient son souffle, et la patineuse japonaise écarte enfin ses patins et se laisse glisser en arrière. Elle se penche de plus en plus, sa tête est pratiquement à l’envers. Elle continue, encore et encore, tout en lançant ses bras vers le sol, paraissant s’abandonner au rythme de la musique.

Tout le Japon est silencieux devant son écran de télé.

Va-t-elle réussir à se redresser ? Ne va-t-elle pas se déséquilibrer et tomber ? Pendant quelques instants, qui semblent une éternité, elle reste ainsi avant d’amorcer la sortie de sa figure fétiche. Le monde entier – et sutout le pays du soleil levant – retient son souffle.

Aussi élégamment qu’elle s’était penchée en arrière, la Japonaise remonte son buste et termine son “Ina bauer” sous un tonnerre d’applaudissements qui fait vibrer toute la patinoire.

Elle le sait maintenant, elle a pratiquement gagné. La seule qui pourrait encore la battre, une Russe, chutera plus tard, sans doute déjà mentalement vaincue.

Shizuka Shirakawa remporte ainsi la médaille d’or des Jeux Olympiques de Turin.

Et elle a vécu pour ce moment, pendant 18 longues années d’entrainement. La pratique délibérée

Quels enseignements peut-on tirer de la prestation de la Japonaise ?

D’abord, il faut être honnête. Elle n’était pas favorite au début de la compétition. Elle a eu de la chance car ses deux principales rivales ont chuté – à cause de la pression ? – mais cette chance fait partie du succès et j’y reviendrai plus tard.

Ensuite, elle a su être présente là où on l’attendait, sur son fameux “Ina Bauer” si unique, sa marque de fabrique. Et si elle a pu le réaliser sans flancher, c’est grâce à la pratique délibérée à laquelle elle s’est soumise, tout au long de ses années d’entrainement.

La pratique délibérée, c’est donc le nom qu’Anders Ericsson, le chercheur de l’université de Floride, a donné à un “entrainement” qui comprend 5 conditions découvertes après avoir analysé, pendant des années, des grands champions et des experts dans tous les domaines.

Cette pratique, comme le précise le professeur Ericsson, n’est pas réservé aux Shizuka Irakawa, Tiger Woods, Venus Williams et autres enfants qui deviennent des champions. Elle n’est pas non plus réservée au sport.

Il est possible de l’utiliser à tout âge et dans n’importe quel domaine pour améliorer sa propre performance. Un “entrainement” sur mesure

Les trois premières conditions d’une pratique délibérée sont très simples.

L’entrainement doit être concentré exclusivement sur l’amélioration des résultats (1), il doit être facilement répétable (2) et on doit pouvoir recevoir un feedback immédiat (3).

Dans le détail, cela donne quoi ?

Ceux et celles qui veulent augmenter leurs résultats, se perfectionner, être meilleurs vendeurs, professeurs, comptables, négociateurs, etc, doivent donc se préparer avec un entrainement spécifique, encadré par un mentor, un coach ou un entraineur – tout du moins au début. Et cet entrainement, encore une fois, ne doit avoir qu’un seul but : améliorer ses performances.

Alors, il ne suffit pas de recommencer chaque jour vaguement la même chose. Sinon, c’est comme un joueur de golf qui pratiquerait son swing tous les matins, sans analyser pourquoi parfois il le réussit très bien et pourquoi – souvent – sa balle finit dans les bosquets. Ainsi, il ne progressera plus du tout après avoir atteint un certain palier. Au-delà, il stagnera car il n’aura aucune information sur ce qui ne va pas dans son swing.

Dans notre travail, c’est la même chose. On débute en se lançant, motivé, on apprend toutes les bases de son boulot et ensuite on atteint un niveau où l’on se sent à l’aise et où l’on pourra rester pendant des années, sauf si un chef de service nous mute et nous oblige à nous former à nouveau. Plus le temps passe et plus on se sent confortable dans sa routine. On est, comme on dit souvent, dans sa zone de confort, dans son cocon, et on ne veut pas en sortir.

Là, il n’y a plus de progrès.

Par contre, si le golfeur suit les conseils d’un entraineur expérimenté, ce dernier saura lui expliquer quels sont les détails qu’il doit modifier, par exemple, dans la position de ses mains sur le club afin que son swing soit plus sûr, plus efficace. Il préparera des exercices très précis et sur mesure afin que le golfeur puisse améliorer cette position des mains.

En entreprise, c’est identique. Au lieu de prendre le téléphone chaque matin pour appeler ses prospects, le commercial cherchera avec un coach à établir quels sont ses points faibles et ce dernier proposera des exercices sur la façon de poser sa voix, les phrases prononcées ou les mots utilisés. La répétition et le feedback

La deuxième et la troisième condition de la pratique délibérée sont donc que chaque exercice doit être facilement répétable et que le feedback doit pouvoir être immédiat afin de pouvoir rapidement corriger les erreurs.

Prenez l’exemple des médecins. Le professeur Ericsson, dans ses recherches, a noté que pour la plupart d’entre eux, plus les années passaient, moins leurs diagnostics étaient sûrs. Les effets de la faculté de médecine s’éloignant, les docteurs, livrés à eux-mêmes, n’ont aucun moyen de savoir immédiatement si leur diagnostic est juste. Il n’y a pas de feedback instantané. Il leur faudra un certain temps – analyses diverses, traitements, apparition ou non d’une maladie – pour être certains de leur choix. D’où l’importance extrême pour eux de constamment se documenter et de mettre à jour leurs connaissances.

Mais ce n’est pas le cas des chirurgiens.

Ainsi, pour un médecin, la répétition est sans doute difficile voire impossible car chaque patient est unique et vient le voir pour des raisons différentes, tandis qu’un chirurgien lui, se spécialise dans un type précis d’opérations. Ce dernier va ensuite répéter cette même intervention chirurgicale en ayant, bien sûr, à chaque fois un feedback immédiat : l’état du patient.

Dans l’exemple du golfeur, sur les conseils de son coach, il va travailler une seule partie de son swing en se concentrant sur sa prise en main. ll va refaire ce mouvement des dizaines et des dizaines de fois – voire plus dans le cas de Tiger Woods – en ayant un feedback immédiat, la réussite ou non du mouvement.

C’est la même chose pour Shizuka Arakawa. Son fameux “Ina Bauer”, pour qu’il apparaisse si naturel dans la finale Olympique de Turin, elle l’aura répété combien de fois au juste ? Un journaliste américain, Jeffrey Colvin, a estimé, en analysant son programme d’entrainement au fil des ans, qu’elle avait dû tomber environ 20 000 fois avant de parfaitement le réussir.

20 000 fois.

Le derrière sur la glace bien dure.

Et bien froide.

Évidemment, là, le feedback est instantané. Dans l’infiniment petit

Les années de recherche du professeur Ericsson lui ont donc permis de déterminer quelles étaient, selon lui, les 5 conditions sous lesquelles les experts ou les génies développaient leur talent. Nous venons déjà d’en détailler trois d’entre elles.

Ces études, très sérieuses et vérifiées à maintes reprises, ont été encore récemment confirmées, mais cette fois-ci, directement dans le cerveau.

Une preuve visible ?

Oui.

Une modeste substance de couleur blanche, la myéline, est en train de provoquer de grands bouleversements dans la compréhension de notre interaction avec notre cerveau.

Alors, dans la quatrième partie de cette série, nous en saurons plus sur cette mystérieuse myéline et nous verrons pourquoi les trois premières conditions d’une pratique délibérée y sont directement liées.

Pourquoi le Brésil est-il si fort en football ?

Pourquoi est-il le leader en nombre de coupes du monde gagnées ?

Pourquoi, chaque année, des centaines de jeunes joueurs brésiliens sont transférés dans des clubs européens ?

Pourquoi le pays de la samba produit-il autant de stars du ballon rond ?

Pourquoi ce pays et pas un autre ?

L’explication la plus courante est que le Brésil bénéficie d’un climat doux, d’un peuple issu d’un “melting-pot” ethnique et culturel, passionné de foot, où l’on trouve 10% de pauvreté extrême, ce qui crée parmi les jeunes brésiliens une volonté farouche de s’en sortir par le ballon rond.

Il est clair que ces facteurs jouent un rôle important mais lorsque l’on y regarde de plus près, ce seul raisonnement ne tient pas.

Auriverde

D’abord, il faut savoir que le Brésil ne domine pas le football depuis toujours. Il n’a gagné sa première coupe du monde qu’à la fin des années 50, pourtant, avant, ils avaient déjà un climat doux. Ensuite, des pays ensoleillés, avec une population jeune, adorant le foot et ayant vraiment envie de se sortir de la pauvreté, il y en a de nombreux.

Alors qu’est-ce qui fait la différence brésilienne ?

Si vous visitez la patrie de Pelé, Zico, Sócrates, Romário, Ronaldo, Ronaldinho, Kaká et Robinho – j’arrête la liste ici sinon il me faudrait tout un paragraphe ! – et que vous pénétriez dans la “vraie” vie brésilienne, en dehors des circuits touristiques, vous seriez surpris de découvrir un autre sport, proche du foot, qui est pratiqué dans toutes les écoles et également par les adultes.

Non, pas le beach football qui fait juste partie de la traditionnelle carte postale de Copacabana.

Ce sport, c’est le “futebol de salão” ou futsal, ou encore en français, le football en salle.

Bon, et alors vous allez me dire, quel rapport avec la myéline ?

Les Brésiliens dès leur plus jeune âge, pratiquent le futsal à l’école. Ce sport, c’est la même chose que le football mais en plus petit et en extrêmement plus rapide. Avec 5 joueurs par équipe s’affrontant sur un sol en dur – de la taille d’un terrain de handball – et une petite balle plus lourde que le traditionnel ballon de foot, on peut facilement imaginer ce qui se produit.

Un jeu vif et très technique.

Et là, soudain, on comprend mieux la virtuosité et la vélocité pour lesquelles sont célèbres les joueurs brésiliens. Voici une démonstration avec Robinho.

Le futsal décolla réellement au Brésil dans les années 40, au moment où les règles du jeu furent finalisées et, en 1958, l’équipe nationale remporta sa première coupe du monde, enchantant la planète footballistique par son jeu dynamique et inspiré.

Pour prendre un autre exemple, Ronaldinho, lui, commença à pratiquer le futebol de salão dès l’âge de 11 ans à raison de 2 heures par jour, en plus du football “normal”. Il faut savoir qu’il existe même là-bas des sections sports-études consacrées au futsal. On compte, dans tout le pays, environ 4000 clubs et plus de 300 000 joueurs.

Un beau creuset.

Ainsi, autant le football est physique, autant le futsal est technique. Pendant un match de football en salle, les joueurs touchent la balle 6 fois plus que dans le jeu normal, leur donnant beaucoup plus d’opportunités, de pratiquer, de corriger et d’améliorer leur technique.

Et ça, notre cerveau adore.

Et quand il adore, il produit de la myéline. Plongée dans le microscope

La myéline est une modeste substance grasse, de couleur blanche, qui compose environ 50% de notre cerveau. Pourtant, on en parle rarement.

Ceux qui font la une des journaux scientifiques sont en général les neurones et leurs synapses. On a tous cette image des influx nerveux qui circulent dans notre matière grise et qui font de nous des être pensants et agissants. Depuis le début des années 2000, cette image, dans les microscopes, est en train de changer.

En effet, la myéline qui protège et enrobe les fibres nerveuses comme le fait une gaine de plastique autour d’un fil électrique, n’était étudiée jusqu’à maintenant que dans le cas de maladies comme la sclérose en plaques où malheureusement, les couches de myéline disparaissent. La conséquence est que les influx nerveux perdent de leur énergie, l’information est mal ou plus du tout transmise à travers notre système nerveux, avec les conséquences que l’on sait pour le malade.

Mais récemment, les chercheurs, grâce à de nouvelles technologies, ont pu enfin étudier en détail le rôle, plus important qu’on ne le croyait, de la myéline.

Pour faire simple disons que, plus la “gaine” – composée de multiples couches de myéline – est épaisse autour de la fibre nerveuse, plus l’influx nerveux ira vite, car protégé comme dans un câble électrique ou un fil de téléphone.

Un chiffre ? La vitesse de propagation dans un axone – le nom scientifique de cette fibre nerveuse – sans myéline est d’environ 50 cm/seconde. Un axone enrobé de nombreuses couches de myéline peut lui produire une vitesse de 120m/seconde. Oui, vous avez bien lu, cela correspond à une vitesse de 400km/heure !

C’est comme la différence entre un ruisselet et une cascade.

Dans notre monde cela se traduit par la rapidité d’un revers au tennis, par un mouvement idéal de la reine sur un échiquier ou par la réponse parfaite à une question piège dans un entretien.

En l’état des connaissances scientifiques actuelles, la myéline jouerait donc un rôle primordial dans nos savoir-faire. Plus nous accumulons des couches de myéline et plus l’influx nerveux passe vite.

Alors, bien sûr, comme moi vous voulez tous et toutes savoir comment on produit de la myéline ?

La réponse est simple : en jouant au futebol de salão. Mode d’emploi myélinistique

Enfin bon, si vous voulez devenir bon en foot, la pratique du futsal est le meilleur moyen de répéter encore et encore les gestes, qui à force, vont augmenter la couche de myéline autour des axones reliant vos neurones de footballeur en herbe.

Si vous voulez améliorer votre tennis – quelque soit votre niveau – pratiquez, par des exercices précis, votre service, votre retour de volley ou votre revers. Vous allez “emmyéliniser” vos axones tennistiques et rapidement vous prendre pour Roger Federer. J’exagère à peine.

Si vous voulez pouvoir mieux parler en public, c’est la même chose. Vos fibres nerveuses dédiées à la pratique du discours, recouvertes de multiples couches de myéline après une pratique assidue, vous permettront d’assurer lors de votre prochaine présentation.

La myéline ne s’accumule que sur les fibres nerveuses utilisées. Plus on les utilise, plus il y a de couches et plus on s’améliore. C’est pour cela que faire des erreurs est important. Elles nous permettent de recommencer pour nous corriger, nous améliorer et ajouter des couches de… vous-savez-quoi !

Ainsi, votre art, quel qu’il soit, devient plus aisé et plus naturel. Les autres commencent à vous regarder avec envie. Ils finissent par se dire que vous êtes simplement doué. Ce qu’ils n’ont pas vu, c’est tout le travail d’entrainement spécifique que vous avez effectué en amont.

Et le plus intéressant dans tout ça, c’est que dans des circonstances normales, c’est à dire hors maladie ou grand âge, on perd très peu de cette myéline. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est aussi difficile de se débarrasser de mauvaises habitudes. La myéline ne juge pas ce que vous faites mais se contente d’accumuler les couches là où vous vous activez le plus.

Si on insiste encore et encore pour se dire que l’on ne peut pas réussir un challenge particulier, la myéline sera là pour garantir que cette idée nous revienne le plus rapidement possible.

C’est pour ça que le monde du développement personnel et de la PNL sont dans le vrai. En prenant, par exemple, artificiellement, dans sa tête, une attitude de gagnant, on provoque des changements dans son cerveau.

Bon, avant de vous emballer, il faut savoir que cela prend beaucoup de temps. A chaque fois que l’on tente de changer une habitude, on sait combien c’est difficile car on retombe souvent très vite. C’est tout simplement parce que les réseaux actuels – ceux que l’on veut changer – sont myélinisés à outrance (les cascades), tandis qu’on est en train d’essayer de créer de nouvelles routes dans notre système neuronal, qui elles sont encore à nu, et donc beaucoup plus lentes (les ruisselets). Une test futsalien

Si l’on résume nos découvertes sur la production de couches de myéline, on dirait qu’il faut pratiquer des exercices précis, faire beaucoup d’erreurs, les corriger et recommencer, encore et encore.

C’est exactement ce que demande la pratique délibérée dont nous avons vu les 3 premières conditions dans l’article précédent. Des conditions qui se retrouvent parfaitement, pour le plus grand bonheur des supporters brésiliens, dans le futsal.

Alors, est-ce qu’il suffirait d’ajouter, à son entrainement régulier, la pratique du football en salle pour avoir un avantage supplémentaire sur tous les autres en foot ?

C’est ce qu’a pensé Simon Clifford, un Anglais de 27 ans, lorsqu’en 1997 il effectua un voyage au Brésil où il découvrit le futebol de salão. Bien décidé à appliquer les mêmes méthodes pour les enfants de sa région, il quitta son emploi de professeur des écoles à Leeds et se consacra entièrement au développement d’un système qu’il baptisa Brazilian Soccer School ou École de football brésilien.

Les résultats ne se firent pas attendre et quatre ans après, son équipe des moins de 14 ans battit l’équipe nationale d’Écosse et ensuite celle d’Irlande. Depuis, des milliers de Brazilian Soccer Schools ont ouvert dans le monde en suivant le même modèle. Enfin, en 2006, à l’âge de 18 ans, Micah Richards devint le plus jeune défenseur jamais appelé en équipe nationale d’Angleterre.

Lui aussi était passé par le futsal version Clifford. Pratiquons, pratiquons !

Suffit-il de myéliniser ses axones à outrance pour devenir un expert ?

La recherche scientifique semble montrer que oui. Encore une fois, ces couches de myéline prennent du temps à se créer et correspondent tout simplement à ce qu’on appelle, entre humains, “l’expérience”.

Une expérience qui n’arrive pas du jour au lendemain mais qui, comme l’expliquait Anders Ericsson, le chercheur de l’Université de Floride, se développe à travers la pratique délibérée dont nous avons vu les trois premières conditions :

  • Amélioration des résultats par des exercices précis (avec ou sans coach)
  • Ces exercices peuvent être facilement répétables
  • Le feedback sur ces exercices est immédiat
Et les deux dernières ?

Elles sont tout aussi importantes mais, à ce moment de notre voyage dans le monde de l’expertise et des génies – que nous sommes ! – vous avez sans doute déjà une idée, non ?

Merci beaucoup

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